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17 sept 2023 - Monument de Navarin

XXIVème dimanche du Temps Ordinaire - Année A
17 septembre 2023
Monument de Navarin


Frères et sœurs, 

Nous avons à cœur de nous rassembler chaque année au pied du monument de Navarin pour faire mémoire du sacrifice de tant de d’hommes appartenant aux Armées de Champagne pendant la Grande guerre. Sur notre terre marnaise, abreuvée du sang de ces jeunes héros et de leurs chefs militaires, s’est joué le sort de notre patrie, de l’Europe et même du monde entier. Pendant quatre années, dans les tranchées, ils se sont observés, ils se sont battus, ils ont trainé dans la boue ; et en s’extrayant des tranchées, ils montaient à l’assaut sous la bombarde et la mitraille, un déluge de feu meurtrier. Beaucoup n’ont fait que quelques pas avant de tomber au champ d’honneur. Nous honorons leur mémoire avec nos 3 couleurs, celle de notre Drapeau qui leur servit de linceul. Nous prions pour eux, et nous offrons le sacrifice de l’Eucharistie afin que les grâces divines soient accordées au monde d’aujourd’hui tellement menacé par la guerre et la violence. 

Nous les avons entendus, ces mots, dans le livre du Siracide : rancune, colère, vengeance, haine. Ce sont des mots de guerre. Et nous le savons, ces mots font aussi notre quotidien. Bien malin celui qui prétendrait le contraire. Tous, nous sommes pris au piège de la médisance, de la méchanceté, de l’égoïsme, et mêmes des paroles qui tuent. Cela nous arrive, même quand nous sommes pétris des meilleures intentions du monde. Pas facile de se libérer de ces assauts que subissent notre liberté, notre intelligence et notre volonté. Saint Paul nous le dit : « je fais le mal que je ne voudrais pas et je ne fais pas le bien que je voudrais » Rm 7,19). C’est un vrai combat à mener, dans les tranchées de nos consciences, avec les armes de la charité, de la bienveillance, de la bonté et du pardon.  Saint Paul nous l’indique dans sa lettre aux Thessaloniciens : « mettons la cuirasse de la foi et de l’amour, et le casque de l’espérance du salut » (1 Th 5,8). C’est un combat pour construire un socle solide aux relations humaines et à la vie sociale. Il suffit d’observer l’actualité pour comprendre qu’il y a encore du chemin à faire.  

Dans son dialogue avec l’apôtre Pierre, Jésus nous donne une clé essentielle pour nous engager sur cette voie. Le pardon. La question de Pierre est pleine de ce souci de bien faire. Il souhaite mettre en pratique l’enseignement du Seigneur, certainement parce qu’il sait très bien lui-même que vivre le pardon est une chose très difficile. Pourtant Jésus ne fait que parler de cela : le pardon, la réconciliation, la charité…. Alors ? « lorsque mon frère commettra des choses contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à 7 fois ? » En donnant le chiffre 7, Pierre donne le chiffre parfait, celui de la plénitude, un chiffre d’or. Il pense ainsi être généreux. Ce chiffre est à ses yeux indépassable. Ce serait déjà bien s’il y parvenait. Mais Jésus, dans sa réponse, lui démontre que la miséricorde de Dieu n’a pas de limite. Elle est infinie. « Je ne te dis pas jusqu’à 7 fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois ». Si on fait le calcul, cela fait 490. Mais c’est la signification de cette multiplication que Pierre doit entendre, et nous aussi : le pardon n’a pas de limite. Il nous faut éviter de compter ! Compter les fautes des autres comme nous savons si bien faire ... Compter le nombre de fois où nous avons déjà pardonné …  comme si nous pourrions alors nous en contenter. 

Dans le passage d’Évangile que nous venons d’entendre, le serviteur est « débiteur impitoyable ». C’est ainsi qu’on désigne habituellement cette parabole. Il bénéficie de l’indulgence du roi qui lui accorde beaucoup plus qu’un simple délai supplémentaire : « prends patience envers moi et je te rembourserai », il reçoit une remise de sa dette. Il est gracié. Et pourtant, elle était énorme, cette dette : « 60 millions de pièces d’argent ». Malgré cette grâce extraordinaire, impensable, il se montre incapable de faire indulgence à son compagnon qui lui devait 600 000 fois moins ! Mais nous l’avons dit, il ne s’agit pas de compter comme on le fait chaque soir avec le tiroir-caisse au magasin, ou après un match de rugby : la lecture spirituelle de cette parabole, c’est de bien comprendre que, si nous recevons le pardon de Dieu, nous devons à notre tour pardonner, pas du bout des lèvres, mais « du fond du cœur ». Ei nous avons du mal à pardonner, nous sommes invités à recevoir le pardon de Dieu dans le sacrement de pénitence et réconciliation. Se relever pardonné, comme Jésus s’est relevé du tombeau. Voilà qui a tout son sens en ce Dimanche, jour de la résurrection. Plus je me reconnais pécheur, plus j’accueille le don de la miséricorde, et plus je suis en mesure de faire miséricorde. La prière du Notre Père prend alors tout son sens et ne reste pas une récitation mécanique : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». 

En ce jour où nous faisons mémoire de tous les morts pour la France et prions pour que la paix soit plus forte que la guerre : accueillons l’appel à la conversion, et acceptons de  changer de vie pour témoigner par le don de nous-mêmes et le rayonnement de notre charité. Le pardon est l’arme la plus désarmante devant la violence et la haine. 

En communiant à la sainte Eucharistie, laissons la grâce du Seigneur diffuser en nous cette capacité d’amour qui est celle de Dieu et qui nous rend capable de ce que, à vue humaine, nous nous pensons incapables de faire : pardonner jusqu’à 70 fois 7 fois. 

 

 

Amen.