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Dimanche 3 décembre 2023 - Action de grâce et adieux - 1er dimanche de l'Avent

MERCI ! MERCI ! MERCI ! et ADIEU !

Dimanche 3 décembre 2023 - Action de grâce et adieux - 1er dimanche de l'Avent. 


MERCI ! MERCI ! MERCI ! et ADIEU ! 



Frères et sœurs,

Nous venons d’entendre dans l’Évangile : « C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller ». Sans maltraiter la Parole de Dieu, permettez-moi de pousser la métaphore : « c’est comme un évêque parti pour une autre mission : en quittant son diocèse, il exprime à tous et à chacun quelques conseils ou exhortations, et leur demande de maintenir la flamme de la foi et l’ardeur missionnaire ».

Au cœur de cette messe d’action de grâce et d’adieux, je souhaite en effet revenir sur ce qui a été ma vie chrétienne « avec vous » et mon ministère épiscopal « pour vous » pendant presque 8 ans. Non pas pour dresser une liste de réalisations ou égrener une litanie de remerciements, mais pour repérer les grands accents de ce qui habite mon cœur et que je souhaite vous partager avec simplicité. Nous connaissons la formule célèbre de saint Augustin : « avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque ». C’est depuis la cathèdre que je vous adresse ce message, alors que je m’assieds sur ce siège épiscopal pour la dernière fois aujourd’hui. Dans quelques jours, après la prise de possession de mon office canonique à Toulon, ce siège sera vacant pendant plusieurs mois. Personne ne s’assiéra dessus. Ce sera un signe que l’Église de Châlons attend et veille dans la prière. D’aucuns semblent déjà s’agiter et entreprendre les grandes manœuvres pour essayer de se frayer une place pendant cette période d’interim. Inutile. Le prêtre qui sera élu administrateur diocésain aura les pouvoirs d’un évêque et il gouvernera le diocèse. Nous prions déjà pour lui.

Reprenons tout d’abord les paroles du prophète Isaïe. Nous devinons en filigrane le verbe « veiller ». Avec le peuple hébreu qui exprime son attente impatiente de la venue d’un messie, nous pouvons, en ce premier dimanche de l’Avent, constater chacun que nous avons encore du chemin à parcourir pour accueillir en vérité Celui qui vient nous visiter, le Seigneur Jésus, l’envoyé du Père. Bien sûr, les circonstances de la vie de notre diocèse, celles de la vie de l’Église en général, mais aussi celles de la société et même du monde entier, nous font prendre conscience de notre fragilité. Isaïe nous dit : « Nous avons péché, nous nous sommes égarés … Tous nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient ». C’est avec une grande espérance que nous nous tournons aujourd’hui vers le Seigneur pour lui dire notre attente, notre désir de l’accueillir. C’est avec confiance que nous nous réfugions auprès de lui afin qu’il modèle nos cœurs appelés à devenir sa demeure…. un cœur-une crèche. Isaïe encore : « Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes, nous sommes tous l’ouvrage de ta main ». Le temps de l’Avent nous est donné pour nous convertir, pour changer nos cœurs, pour réformer notre comportement, pour retrouver la sainteté de notre baptême. C’est un temps de grâce. Nous recevons, nous accueillons, nous nous laissons façonner, nous abandonnons notre vaine gloire et notre prétention, pour faire l’œuvre de Dieu et non la nôtre. L’évêque est le premier à devoir se convertir afin que sa conduite soit exemplaire pour ceux dont il reçoit la charge. Bien humblement, j’ai toujours voulu faire comme saint Jean-Baptiste qui s’efface devant le Messie qui vient. Le péché le plus courant chez les évêques et les prêtres, c’est de prendre la place de Celui que nous représentons, c’est de faire notre œuvre selon nos projets et nos plans, plutôt que l’œuvre de Dieu selon sa grâce et les lumières de l’Esprit-Saint. Veuillez me pardonner, frères et sœurs, pour le mal que j’ai pu vous faire par mes paroles ou par mes actes. C’est très sincère, ce que je vous dis là. Je connais mes faiblesses et mes limites, je mesure mes échecs. Je veux aussi que vous sachiez le poids des épreuves que j’ai dû traverser sans être toujours compris, surtout dans les rangs les plus proches, où l’on se dit pourtant chrétien et enfant de l’Église. Oui, « nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes ». 

Dans un deuxième temps, laissons résonner en nous les paroles de l’apôtre saint Paul : « je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus…Aucun don de grâce de vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout ». Frères et sœurs, je reprends à mon compte ces paroles de l’apôtre et je souhaite exprimer une grande action de grâce. Les temps missionnaires, les grandes célébrations diocésaines comme la messe chrismale ou l’ordination d’un prêtre, les rencontres avec les catéchumènes et les confirmands, les activités avec les jeunes, le lancement en formation de nos séminaristes, les diverses récollections, les réflexions et la vie fraternelle avec les prêtres, les échanges avec les diacres et leurs épouses, la rencontre des communautés religieuses, les pèlerinages à L’Épine, à Lourdes, à Rome, en Terre Sainte, les visites pastorales, les messes dominicales, les « visites de miséricorde », les visites dans les établissements scolaires, la rencontre des autorités locales, les visites à la maison d’arrêt, l’essor du projet « le bon samaritain » pour l’accueil des migrants, sans oublier par exemple la fameuse « messe en voiture » à la sortie du 1er confinement… que de motifs pour remercier le Seigneur de ses bienfaits ! Oui, vraiment, j’en suis témoin avec vous, le Seigneur est à l’œuvre. On se lamente trop facilement parce que les choses ne sont plus comme avant, parce que ceci, parce que cela… mais ces pleurnicheries sont mortifères. Nous sommes les « prophètes de l’espérance », n’est-ce pas ? Je voulais vous le redire aujourd’hui et vous inviter à persévérer dans cet élan. Le projet missionnaire diocésain n’est pas facultatif, il nous concerne tous. Le peuple de Dieu dans son entier est appelé à le mettre en œuvre pour que des « oasis » se développent en offrant des lieux, des moments ou des équipes qui permettent de se rencontrer, de se former, de prier, de servir et de témoigner, en gardant bien au cœur la finalité : il ne s’agit pas gérer la crise, mais d’accueillir de nouveaux croyants. Je bénis le Seigneur pour votre engagement dans la Mission, et j’invoque Notre-Dame de L’Épine, notre Mère du Ciel, pour qu’elle prépare les cœurs à recevoir le Seigneur Jésus, le Messie de Dieu, et qu’elle nous apprenne à le donner au monde.

Enfin, je termine en revenant au verbe « veiller ». J’ai eu la joie de veiller « avec vous », moi, chrétien catholique, disciple du Seigneur, pauvre pécheur. Avec vous et comme vous, j’ai cherché à nourrir ma relation avec Jésus afin de conformer ma vie à son Évangile. Avec vous et comme vous, j’ai pris le temps de me laisser éclairer par sa Parole, j’ai prié, j’ai adoré le Seigneur, j’ai loué son nom. Avec vous et comme vous, j’ai voulu donner ma vie aux plus pauvres et aux plus fragiles, reconnaissant en eux le visage de Jésus. Vous m’avez aidé, soutenu, souvent montré l’exemple, vous m’avez édifié. Ensemble, nous avons mis nos pas dans les pas du Seigneur pour grandir en sainteté et lui ressembler davantage.Évêque, j’ai aussi veillé « sur vous ». L’évêque - episcopos en grec - est justement celui qui veille. Il veille sur, et non pas il surveille, … il veille ici en prêchant depuis la cathèdre, en rendant visite à domicile, en accompagnant les pèlerins, en témoignant de sa foi, en réconciliant les frères ennemis, en réconfortant les désespérés ou les accablés, en prenant des décisions difficiles avec courage pour le bien de tous. Parfois, j’ai dû réveiller ceux qui étaient endormis dans la routine, dans le découragement, dans l’autosatisfaction. Mais toujours j’ai cherché à éveiller en vous le désir de Dieu, de la vie éternelle, de la communion bienheureuse avec Jésus. C’est cela qui compte.

Bientôt, dans le diocèse de Fréjus-Toulon où le Saint-Père m’envoie relever un défi inattendu, et même si je n’aurai pas de cathèdre dans l’immédiat, je poursuivrai dans ce sens : je veillerai sur ceux qui me sont confiés désormais. Ce qui importe, ce ne sont pas les pouvoirs que me donne le Pape, ni comment deux évêques vont collaborer dans le même diocèse, mais c’est le nom de Jésus, la rencontre avec Jésus, l’amour de Jésus, le témoignage rendu à Jésus le Sauveur. Frères et sœurs, veillons ! Ne laissons pas filer le temps, ne nous perdons pas dans des luttes de pouvoir stériles ou des querelles de clocher, sortons des ténèbres pour vivre dans la lumière. Le Seigneur vient nous visiter, « il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis ». 

Merci. Merci. Merci, et Adieu. 

Amen.